Espace. Premier bilan des observations communiquées par le satellite
environnemental.
Envisat tient la planète à l'oeil
HUET Sylvestre
Un satellite, dix mille utilisateurs. C'est l'équation d'Envisat selon José Achache, directeur de l'Observation de la Terre à l'Agence spatiale européenne. Lancé le 1er mars 2002, c'est de l'espion costaud : le satellite le plus cher (2,3 milliards d'euros) et le plus gros (8 tonnes) lancé par l'Europe, avec dix instruments de haute technologie chargés de surveiller la planète. Hier, 700 scientifiques de 50 pays se sont réunis à Salzbourg pour détailler sa moisson de résultats.
«Spectaculaires». Océans, forêts, glaces, fleuves, végétation naturelle et champs cultivés, pollution de l'air ou trou d'ozone stratosphérique, mouvements de terrains dans les villes ou séismes... Envisat fait de tout, pour tout le monde. L'énorme flux de données envoyé par le satellite ne sert pas uniquement aux scientifiques qui cherchent à suivre et comprendre l'évolution du climat ou la chimie atmosphérique. De plus en plus d'applications se font jour : surveillance des inondations pour la sécurité civile ou les assureurs ; dénonciation des navires pollueurs pour les autorités maritimes et la justice ; surveillance des icebergs pour la sécurité des bateaux dans l'Atlantique nord. Ou encore prévision de l'état des océans pour les marins, qu'ils fassent la course ou pêchent du poisson...
Pour José Achache, la capacité du satellite à intervenir dans la chaîne de décision en cas de catastrophe fait partie des «résultats spectaculaires». «Nous sommes en mesure de donner aux autorités une image correctement traitée par une équipe de Strasbourg six heures seulement après le passage du satellite sur une zone inondée», insiste-t-il. Envisat fait partie d'un système opérationnel d'alerte et de surveillance satellitaire en cas de catastrophe naturelle mis en place par les agences spatiales et actif 24 heures sur 24. Un système utilisé pour les inondations, les éruptions volcaniques ou les séismes. Le radar d'Envisat a cartographié avec une grande précision les mouvements de terrain occasionnés par le séisme de Bam (Iran) ou ceux, plus subtils, provoqués par l'affaissement des sous-sols urbains.
«Accélération». Envisat vient de découvrir que le trou d'ozone stratosphérique, qui se forme au-dessus de l'Antarctique au printemps austral, apparaît cette année deux semaines plus tard que l'an dernier mais dans la moyenne des dix dernières années. Ses mesures de la surface des calottes de glaces polaires, bientôt complétées par celles de leur épaisseur par le satellite Cryosat, enregistrent la réaction de la cryosphère terrestre au réchauffement planétaire.Des mesures qui permettront de préciser l'ampleur du réchauffement planétaire.
Parmi les grands succès d'Envisat, «la surveillance des océans», estime Jean-Louis Fellous (Ifremer), qui en a présenté hier une vue d'ensemble. Là aussi, labos et ministères sont clients. Océanographes et climatologues bénéficient de l'observation continue de la topographie des océans grâce aux satellites précédents. «Nous pouvons en déduire que la hauteur moyenne des océans s'est élevée de 3 millimètres par an depuis 1992, date des premières mesures altimétriques de précision par le satellite franco-américain Topex Poséidon, précise Fellous. Si on y ajoute le réchauffement de la température de surface de 0,1 °C par décennie , mesurée depuis 1985 par satellite, c'est un signe clair de l'accélération des changements climatiques, puisque la moyenne du XXe siècle est estimée à 1 mm par an pour la hauteur et que le réchauffement moyen de la basse atmosphère au siècle dernier se situe autour de 0,6 °C.»
«Icebergs». Prisé des scientifiques, Envisat intéresse aussi... les pêcheurs. Ses données de température, couleur de l'eau et courants de surface sont utilisées pour réaliser des prévisions de l'état de la mer à quelques semaines, susceptibles d'orienter les pêcheurs vers les zones intéressantes. José Achache se félicite de la participation d'Envisat «à la surveillance des glaces polaires et surtout des icebergs menaçant les navires de l'Atlantique nord». Déjà, le Canada et la Norvège ont intégré ses données dans leur système opérationnel de surveillance et d'alerte des navires. Pourtant, regrette-t-il, malgré ces démonstrations d'efficacité, de nombreux services publics hésitent encore à investir dans la filière satellite.
Catégorie : Sciences et techniques
Sujet(s) uniforme(s) :
Astronomie et exploration spatiale; Réchauffement de la planète
Sujets
- Libération : Agence spatiale européenne; Catastrophe naturelle; Climat;
Effet de serre; Mesure scientifique; Météorologie; Océanographie; Recherche
scientifique; Réunion; Salzbourg; Satellite d'observation; Succès;
Surveillance
Type(s) d'article : ARTICLE
Édition : QUOTIDIEN
PREMIERE EDITION
Taille : Moyen, 492 mots
© 2004 SA Libération. Tous droits réservés.
Doc. : news·20040907·LI·0LI20040907050
Ce matériel est
protégé par les droits d'auteur.Tous droits réservés. © 2001 CEDROM-SNi |